Comment
la course de fond a fait de nous une espèce à
part.
L'homme
est né pour
courir !
Voila ce qui ressort des travaux de deux chercheurs américains.
L'anthropologue
Daniel LIEBERMAN et le spécialiste de la locomotion
animale Dennis BRAMBLE (Department
of Biology University of Utah
) concluent que c'est par la course d'endurance que nous
sommes devenus des hommes.
Il y a deux millions d'années, nos ancêtres
se seraient spécialisés dans la course de
fond, ce qui leur aurait permis de survivre et de se distinguer
des autres grands singes pour devenir plus tard l'espèce
dominante. L'homme moderne serait l'héritier de cette
longue tradition de course à pied dont il garde d'exceptionnelles
capacités d'endurance même si la société
lui a fait perdre le goût de l'effort.
La clé
? Le ligament nucal.
Ce ligament est une large bande de tissu qui court à
l'arrière des cervicales et permet de stabiliser
la tête et de maintenir l'équilibre pendant
la course. Les singes en sont dépourvus. Ce ligament
laisse une trace sur le squelette qui est visible sur les
fossiles du genre Homo, mais absente sur ceux du genre Australopithèque
plus anciens. Ce ligament serait-il consubstantiel de l'humanisation
? Et l'aptitude à la course une adaptation à
l'apparition de l'homme moderne.L'homme
moderne possède d'excellentes qualités d'endurance
alors qu'il est un piètre sprinter en comparaison
du reste du règne animal. D'un point de vue biomécanique,
il est possible de comparer le trot des quadrupèdes
avec la course des bipèdes. Et à ce jour,
l'homme a une vitesse maximale d'endurance de 23,4 km/h
alors que le cheval plafonne à 21,6 km/h. Même
au galop, peu d'animaux sont capables de suivre le peloton
des meilleurs marathoniens.
Le ligament nucal n'est pas le seul responsable de ce talent
pour l'endurance. Des pieds à la tête l'homme
est adapté. Ainsi le tendon d'Achille permet d'emmagasiner
de l'énergie lors de la pose du pied au sol pour
le restituer ensuite lors de la propulsion, ce qui permet
d'économiser près de 50% du coût métabolique
de la course. (Le tendon d'Achille n'a par ailleurs aucun
rôle lors de la marche). Les singes n'ont pas de tendon
d'Achille. Seuls les gros mammifères ou les animaux
habitués à courir en possèdent. On
ne peut expliquer la présence de ce ressort naturel
sans l'influence de la course. Les mêmes observations
peuvent être faites pour les muscles (fessiers volumineux),
le pied (long avec voûte plantaire et orteils courts),
les articulations (larges surfaces permettant d'absorber
les chocs), et les glandes sudoripares sur toute la surface
du corps (évacuation de la chaleur).
Reste
à savoir quand ce " don " est apparu au
cours de l'évolution. Les premiers signes d'adaptation
à l'endurance se sont développés il
y a environ deux millions d'années, soit au moment
de l'émergence de l'Homo erectus. Cet ensemble de
caractéristiques déjà décrit,
grossier au départ, s'est affirmé par la suite,
montrant ainsi que la course était de plus en plus
utilisée. La marche seule ne pouvant pas expliquer
toutes ces adaptations. L'homme s'est-il mis à courir
pour fuir ou pour attraper quelque chose ? Pour chasser,
il n'avait pas encore inventé les armes et n'étant
pas rapide, il ne pouvait rattraper ses proies. Il pouvait
les épuiser, mais cette chasse est très coûteuse
en énergie. Le plus simple pour lui était
d'imiter les charognards. Cette hypothèse est invérifiable,
mais elle permet de comprendre comment l'endurance aurait
autorisé l'accès à un régime
plus riche en protéines et en graisses. Les plus
endurants devenant ceux qui se développaient le mieux.
Et ce sont donc également ceux qui assuraient la
meilleure chance de survie à leur descendance.
Cette hypothèse permettant aussi d'expliquer nos
étonnantes facultés mentales. Car un régime
riche en protéines favorise un développement
cérébral plus rapide. Serions nous alors plus
intelligents grâce à nos talents de coureurs
de fond ? Nos gros cerveaux acquis à la sueur de
nos ancêtres nous ont permis de bâtir une société
riche en outils spécialisés où il est
maintenant permis
de ne plus jamais courir.